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Éditions du Canoë

Tout vaut la peine si l'âme n'est pas petite
Fernando Pessoa

editions du canoe le poncif d adorno ishaghpourNinar Esber

Mes instantanés

Beyrouth - Paris
1990-2021

En 2019, Ninar Esber rassemble les poèmes qu’elle écrit depuis les années 1990. « Dans ces lignes se trouve tout ce que je n’arrive pas à dire avec la matière, les formes, les vidéos et les performances. Il s’agit surtout du sentiment d’exil et de l’impossible deuil. Car cela se transforme en pierre qui grossit sans cesse et qui pèse, qui bloque. Avec ces mots je la concasse, pour essayer de retrouver du souffle et de l’espace en moi. »

     Soudain la guerre se tient devant ma porte
     Soudain la mort passe devant ma fenêtre
     Soudain tombe ma dent de lait

Ninar Esber n’a pas froid aux yeux. Ses poèmes disent la violence du monde, les inégalités criantes des sociétés patriarcales et placent la femme au centre dans sa fragilité et sa force mêlées.

     Paysage

     J’étais sable
     Aujourd’hui je suis pierre
     Demain je serai cendres

     ***

     Les balles toquaient à ma fenêtre les soirs d’hiver
     — Bonsoir c’est l’heure de mourir
     — Non pas aujourd’hui je dois encore m’ennuyer
     Repassez demain soir
     Allez siffler ailleurs
     Retrouver d’autres peaux à trouer
     D’autres visages à embrasser

 

mes_instantanes_-_nina_esber
15,00 € each


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Ninar Esber. Photo D. Afanassieff

 

Joséphine Hobeika, L'Orient-Le Jour, 10 mai 2022

 

lire l'article, https://www.lorientlejour.com/article/1298923/ninar-esber-la-viande-que-jetais-plaisait-aux-rapaces.html


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Philippe Leuckx, La Cause littéraire, le 9 mai 2022

 

 lire l'article : https://www.lacauselitteraire.fr/mes-instantanes-beyrouth-paris-1990-2021-ninar-esber-par-philippe-leuckx

 


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De nouveau trois livres, cette fois chez le même éditeur : les Éditions du Canoë (Colette Lambrichs), au catalogue plutôt éclectique, à surveiller.

source : https://diacritik.com/

 

 

MES INSTANTANES NINA ESBER/>Le premier – qui vient de sortir – est de Ninar Esber. Née en 1971 à Beyrouth et installée à Paris depuis 1986, elle est reconnue comme artiste (tournée vers la performance, la vidéo, la photo et le dessin) et autrice de plusieurs livres, dont Conversations avec Adonis mon père, le tout formant “un travail autobiographique et protéiforme autour de l’exil, de l’identité et de la mort.” Mes instantanés (Beyrouth-Paris 1990-2021) est son premier recueil de poésie :

“Je suis entre deux rives
Le mot et l’image
Poussée vers l’écriture
Sans vocabulaire ni syntaxe je coule
Attirée par l’image sans technique ni spontanéité
Je m’enferme (Beyrouth, 2012)”

Ou bien : “La nuit j’écoute la plainte du robinet / Le matin il crie et tousse / Gargouillis gargouillis gargouillis / Avant de rendre ses entrailles / Liquide rouge métallique / – Que t’arrive-t-il robinet ? / – Le vent s’est noué dans mes tuyaux / À la recherche de voix familières / Les amours sont parties / Tout n’est plus que rouille / Tout n’est plus qu’échos (Beyrouth, 2018)”

Ou encore cet aphorisme : “L’homme est un vide en éternel recommencement”.



MES INSTANTANES NINA ESBERLe deuxième – sorti en juin de l’an dernier – est de Billy Dranty, auteur dont on trouve le nom bien en place dans le catalogue de fissile, maison d’édition crée par Cédric Demangeot que nous venons d’évoquer : cinq livres (à partir de L’hydre-anti en 2006 avec une préface de Bernard Noël), ainsi qu’une participation active à la revue moriturus. Il a aussi publié une quinzaine de plaquettes aux éditions Derrière la Salle de Bains et a établi et présenté (chez Ypsilon) les correspondances croisées de René Daumal avec Léon Pierre-Quint et Roger Gilbert-Lecomte (2014-2015). Advers, suivi de Attract obstruct, est un “livre double” dont les deux parties “se répondent organiquement” – la première (la plus étendue), composée en vers courts, se voulant “un espace sauvage d’expectoration” ; la seconde, en prose, dense, resserrée, parfois aphoristique, toujours sans concession, “déclinant par blocs de discours amoureux les étapes d’une intrigue en suspens(e)”. C’est tendu, agité, j’y relève une citation qui me plaît beaucoup : “Mais à quoi bon une boussole exacte, si le navire ne bouge pas ? (Henri Thomas)”. Et ne trouve qu’avec difficulté deux fragments à isoler, pour faire passer quelque chose de ce qui requiert d’être traversé dans sa totalité.

Pour Advers :

“l’aridité prospère
brûle l’en reste
déprogression
dans l’A-là
déporté
emphases au tapis
ombre submergée
de riens”

Pour Attract obstruct : “Long l’étalement tel tendu. Arqué, laisser la main tenir l’appel au bout de la jetée. L’appel au butoir de l’élan tel projeté de cœur buté.” Ou encore : “D’emblée taire la tremblée des doutes gratteurs d’ambre en fusion. Localiser l’usure rusant au rompre garrotté.”

 

MES INSTANTANES NINA ESBERTroisième ouvrage aux Éditions du Canoë, paru il y a deux ans, Entretiens d’Étretat est signé Chaillou / Roubaud sur la couverture. Il est publié avec 15 dessins de Jean-Luc Parant. Si ces deux auteurs, contrairement à Esber et Dranty, me sont depuis longtemps familiers, je découvre ces entretiens (tout d’abord publiés par Le Monde de l’Éducation en 1992-1993) grâce à cette édition de 2020. Michel Chaillou et Jacques Roubaud se connaissaient bien. Ils avaient fait partie du sextuor d’écrivains de L’Hexaméron (1990) – les quatre autres étant Michel Deguy, Florence Delay, Natacha Michel et Denis Roche – qui étaient tous (sauf D.R.) enseignants. L’idée de ces Entretiens d’Étretat était de “converser sur la transmission des connaissances”, le premier en professeur de littérature, le second en professeur de mathématique (mais bien entendu, ce n’est pas si simple) :

Michel Chaillou. – Cette plage est étroite. Ces falaises sont fameuses. Cette échelle, là, est rouillée. La mer se bat les flancs. Causons.

Jacques Roubaud. – Je veux bien. Mais j’entends que ce n’est pas toi qui parles.

M.C. – Tu entends bien, j’emprunte le timbre de Balthazar Baro, secrétaire infiniment particulier d’Honoré d’Urfé, mort à, après être né à. Mais toi-même ?

J.R. – Tu m’entends bien. J’emprunte la voix d’Octavius de Cayley, algébriste né à, mort à.

M.C. – Un dialogue des morts en somme.

J.R. – Un dialogue impossible.

M.C. – À moins que tout cela soit la faute d’Arsène Lupin dont l’Aiguille creuse pique l’horizon et recoud à sa façon le sujet de tout discours.

Octavius de Cayley. – Je ne vous le fais pas dire, mon cher Baro. Et de quoi parlerons-nous ?

Balthazar Baro. – Là est la question.”

Comme le raconte Roubaud, dans sa préface, tous deux étaient des marcheurs, mais “nous marchions ensemble dans Paris […] comme si nous étions dans deux villes différentes. […] Je crois que le projet de nos « entretiens » est né, pour Michel, de deux évidences : d’une part, les « matières » de nos enseignements étaient aussi éloignées l’une de l’autre que l’étaient nos « lectures » de Paris, ville de nos marches ; mais d’autre part nos stratégies d’enseignants étant très semblables, il pouvait être utile d’examiner comment l’un et l’autre nous abordions les principaux problèmes généraux qui se posent à quiconque veut faire apprendre quelque chose à quelqu’un.” S’étant préparés “assez longuement”, les deux écrivains-professeurs mettent en ordre un certain nombre de questions, leurs entretiens (qui seront en quinze temps) se séparant “assez naturellement en deux parties, les deux échanges sur le nombre (n°8 et 9) faisant charnière.” Ce qui frappe à la lecture, c’est ce “mix” de fantaisie et de sérieux, d’improvisation et d’écrit sous contrainte, de flânerie et de creusement méthodique, où leur complémentarité (tissée d’affinités et de différences sensibles) fait merveille :

Balthazar Baro. – Un rat a parfois des ratés.

Arthur Cayley. – Vous dites ?

B.B. – Son compte est bon si la ratière le prend, si le ratier le mord.

A.C. – Mais de quoi parlez-vous ?

B.B. – D’ailleurs, ronger n’est pas jouer et puis Ramanujan ?

A.C. – Que vient faire sur vos lèvres le nom de ce mathématicien indien ?

B.B. – Il compte bien, quoique mort en 1920.

A.C. – Vraiment, mon cher Baro, vous parlez trop par énigmes, j’en donne ma langue au chat.

B.B. – À bon chat bon rat.

A.C. – Mais enfin pourquoi cette invasion soudaine de surmulots ?

B.B. – Le campagnol m’affole, le loir fout trop le foutoir, quant au muscardin chaussé de daim…”

Je coupe là, car cela s’étend, à chaque entretien, sur plusieurs pages, celui-ci étant le dixième, titré Le rat du rat du conte ?, placé entre le neuvième (Chercher minuit à treize heures) et le onzième (Du vague des vagues). Cela donne le ton (un des tons). J’essaie de lire en ayant leurs voix en tête, les échangeant parfois – ça marche aussi. Curieuse fusion, dont il nous est possible de proposer que deux ou trois aperçus, comme ce dernier – vers la toute fin :

B.B. – En fait, quand on discute, dispute, il faut donc patienter, toujours attendre l’ombre du propos, suspendre en attendant sa raison aux branches comme du linge que sèche.

A.C., didactique. – Exactement. Je vous le répète : nos entretiens ont-ils été assez feuillus ?

B.B., bon enfant. – On a longtemps marché sur cette plage. Et si la longueur de nos enjambées…

A.C. – Mesure la longueur de nos discours, on a beaucoup parlé, mais…”

Juste un dernier mot pour souligner que la lecture de ce livre à deux voix (ou à quatre mains, ou quatre jambes) est plus que plaisante, même pour qui a passé sa vie à faire l’école buissonnière (on peut donc l’emporter comme viatique dans le Terrain Vague).

 

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